30.3.08

Ab imo pectore

Il était une fois un instant. Il fut un moment, je suis une seconde. Nous ne sommes plus. J’ai cessé de compter les minutes, car son temps est écoulé. Son heure est passée. Attendre toute une vie et voir ainsi s’écouler les grains de sable devant ses yeux. Ne pas pouvoir changer le cours du temps… Le vent disperse la poussière de son regard, la brise exhale son âme vers le ciel topaze d’automne. Il ne sera jamais plus. Nous ne sommes plus qu’un moment futile dans le cours du temps qui passe et qui passe. Nous ne sommes plus.

Je ne crois plus en l’amour. Mon cœur se lasse de tout sentiment, je ne veux plus aimer. Je ne protège plus mes arrières, je fonce tête devant. Sans but. Je n’aime plus. La vie me grise par ce qu’elle peut, elle m’aveugle doucement. Mes nuits sont noires et je les berce à la lumière argentée de la lune. Je ne crois plus en l’amour. Pourtant, ce matin-là, mon cœur était blasé, mon cœur était fermé. Je ne faisais que marcher droit devant, là où la voie m’amenait. N’importe où.

Il marchait devant moi. Ses épaules bougeaient au rythme de ses pas. La neige virevoltait autour de sa tête. Il avançait sans moi. Je regardais sa nuque, j’observais sa démarche assurée, son allure rassurante. Face à moi, il s’est retourné. Mon cœur a fait un battement de trop et j’ai alors plongé dans ses yeux. Il me regardait. Levant les yeux vers les siens, mon cœur a dérapé.
Il n’a pas prononcé une parole, pas un mot. Ses yeux me fouillaient. Je n’ai pas baissé le regard. Le temps s’écoulait, sans hâte, lentement. Puis, il a murmuré. « Aime-moi… »

Je ne voulais pas l’admettre. Je ne voulais pas entendre ses douces paroles, je ne voulais rien de lui. Mais mon cœur battait à tout rompre. Je me mordillais la lèvre, ses yeux suivaient l’arrondi de ma bouche. Le temps me tuait. Lentement, tout doucement. Vas-y doucement avec mon cœur. Je ne veux pas t’aimer, je ne veux pas te regarder. Je ne veux pas vivre sous tes mains, je ne veux pas mourir sous tes caresses. Ce matin-là, je ne faisais que marcher dans la rue vers nulle part, vers mon inconnu. Cette minute-là, je ne faisais que passer, que m’écouler parmi tant de gens. Et il me regarda.
J’ai alors poursuivi mon chemin. Sans me retourner, sans un second regard. Il était une heure. Une heure dans mon cœur, une heure au hasard. Je marchais vers l’horizon. Je sentais son regard dans mon dos, tout le long de mon dos. Il caressait mes cheveux en cascade, il caressait la courbe de mes hanches. Doucement. Je ne voulais pas le regarder. Son regard me tuait. Il était une heure. Les questions affluaient. Les doutes abondaient. Ne me regarde pas. Ne m’accroche pas à ton regard. Je marchais lentement ce matin-là. Le temps importait peu. Je ne voulais pas de son regard.

Regarde-moi. Prends-moi par ton regard, emmène-moi loin de tes secondes affolantes. Doucement. Je marchais vers lui ce matin-là. Son regard vert, mon regard bleu. Mélange orgasmique. Lueur d’espoir. L’heure était turquoise ce matin-là. Coup d’œil, coup de foudre. Mon amour. Regarde-moi. Toujours. Fais-moi naître, fais-moi m’ouvrir au temps. Aime-moi de ton regard, mais ne dis rien. Ne pense rien. Je me suis arrêtée devant lui, devant ses yeux verts. Il m’a prise sous sa prunelle. Tendrement. Ses lèvres ont trouvé les miennes, un grain de sable est tombé.

Nous nous sommes aimés ainsi. Nous nous aimons comme cela. Le vert de mes jours, le bleu de ses nuits. Le temps passe lentement. Tout doucement. Nous ne tentons pas de retenir les secondes, les heures sont éphémères. Notre amour est infini.

Ne me dis pas toujours si tu crois qu’un jour tu vas cesser de me regarder. Ne me murmure pas amour si tu crois détourner le regard. Regarde-moi. Éveille-moi, accroche-moi. Regarde-moi… Avant toi, l’amour ne respirait pas. Garde-nous en vie… Ce matin-là, le soleil embrasait ses yeux de jade. Son étreinte était chaude et douce, mon cœur battait au rythme du sien. N’oublie jamais que je t’aime. Si un jour mon regard s’éteint, ferme les yeux. Je serai là. Ne me quitte pas, ne t’en va pas…

Il est parti ainsi, comme un baiser volé. Il m’a été arraché. Son temps est écoulé. Une ombre est passée sur son regard. Le ciel s’obscurcit, ma vie est teintée de couleurs épuisées. Le vert a disparu de mes images, de mes songes. J’ouvre un œil, je le referme aussitôt. Il n’est plus sous l’édredon. Le temps m’en veut, le temps m’émeut. Je l’ai regardé un moment, tout est passé si vite. Il n’est plus… Je marchais ce matin-là sans espoir, sans attente d’un amour. Le temps en a décidé autrement. Il était six heures. Je regarde les douces larmes blanches du ciel, je regarde les rayons du soleil. Mon regard s’éteint. Sans le vert de ses yeux, sans le doux réconfort de son sourire, sans le contact chaud de ses mains, je ne trouve plus le bonheur. Pourquoi tout dire et ainsi partir?
Je ne voulais pas de toi, je ne voulais pas de ta prose. L’amour attendra, je ne veux pas de toi. Mes pas sous les rayons du soleil, les reflets décolorés de ma vie. Je t’attendrai toujours. Tu seras toujours là. Je ferme les yeux et je te vois. Je ferme les yeux et ton regard me voit. Immortalité de notre moment, de notre temps. Les grains de sable s’écoulent et s'envolent. Mon sablier est fissuré. Je l’empoigne et le projette contre le mur ambré de toutes mes forces. Le sablier n’est plus. Comment figer cet instant, je veux oublier le temps. Reviens-moi… Pour un instant, reviens-moi et regarde-moi encore une fois. Une seconde. Je te vois. Une heure. Tu n’es plus là… Regarde-moi, accroche-toi à mon regard. Le bleu de mes yeux. Le vert de ma destinée.

« Qu’est-ce que je ferais sans toi? »
« La même chose que moi sans toi : je continuerais à te chercher… »

4 commentaires:

Marieve Gagné a dit...

WOW!

Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas laissée poignardée par autant de mots en écho ...sur le web.

Merci.

beck a dit...

Merci à toi, M. C'est touchant.

Anonyme a dit...

D'accord avec M. Peu de choses à dire, sinon le silence devant un texte aussi beau.
Salutations Mademoiselle !
Circé

beck a dit...

Encore une fois, merci!.. Salutations à toi aussi, Circé.