28.4.10

Larmes

Une amie qui pleure, c'est la fin du monde au bout du fil. Ce sont des années d'amitié, de complicité, de souvenirs qui ont mal, ce sont des larmes d'apocalypse, ce sont des larmes de catastrophes naturelles. Chacune d'entre elles tombent sur mes épaules, chacune s'écoulent de mon propre coeur, en sachant très bien que je ne dois en verser aucune pour elle, mais avec elle. C'est soutenir la force qui se meurt. C'est se tenir debout alors que tout s'écroule.
Je pense à toi.

21.4.10

Fabulations

Le rouge contre ma gorge, c'est comme tes doigts, tes ongles contre ma peau, qui descendent le long de ma trachée et qui coulent dans mes veines encore et encore. Je n'ai pas besoin de toi, mais je suis enivrée par ton contact. Je veux entendre ta voix, je veux boire les sons que tu pousses alors que ma langue se déchaîne, alors que ma voix se mêle à la tienne.
C'est ton baiser dans la rue humide, ce sont tes mains sur ma poitrine et le regard aveugle que tu diriges vers moi et moi qui te vois descendre sur moi, partout sur moi.
Explose mon corps, fais-le vibrer et résonner selon les rythmes de nos souvenirs, souviens-moi, souviens-toi de nos jours mélancoliques et oubliés. Je veux voir tes yeux parmi la fumée, comme jamais je n'ai osé te voir, comme je ne saurai jamais apprendre de mes visions.
Je m'endors lourdement, comme un songe oublié devant mes yeux, la nuit achève mes paroles et s'envolent, s'envolent les mots interdits.

13.4.10

Prunelle

Je me souviens.
Du trou dans le genou de mes jeans, du chandail blanc un peu trop grand que je portais négligemment, de la noirceur de la nuit, de l'attente. Surtout de l'attente et de l'excitation.
Il y a si longtemps, pourtant.
Tu me regardais, patient, terminer le travail de littérature que je me devais de terminer. Nous parlions peu, malgré le sentiment pressant d'être ensemble.
Te souviens-tu? Au moment de se quitter, au moment de dire au revoir, tu t'es dandiné joyeusement, timidement, les mains dans les poches et le regard baissé... ton baiser était doux, souriant, nouveau, enflammé.
Tant de choses se sont passées entre nous depuis ce temps. Nous ne sommes plus les mêmes, et pourtant, toujours fidèles à nos souvenirs cassés, récupérés, empoisonnés.
Merveilleux.
Je ne me souviens plus de tes yeux, je ne me souviens plus de tes doigts grattant ta guitare, je ne me souviens plus nos éveils sous le soleil de mai. Nous n'avons plus de saison, plus de musique, nous ne sommes que des songes mélancoliques, bucoliques.
Les fils qui nous retiennent n'en sont que davantage troublants ou fascinants, sous le soleil ou sous la pluie.
Je ne peux me résoudre à effacer les douceurs de certains souvenirs. Je me souviens. Néanmoins. Pour un instant.

1.4.10

Je t'appartiens

Elle marche d'un pas rapide le long de la rue. Elle se demande toujours pourquoi elle presse le pas, elle a le pas citadin. Le soleil crie au printemps, la ville n'est jamais au diapason, elle ne lit plus dans le ciel les saisons qui changent. Les arbres sont tout à coup ornés de bourgeons, c'est une ville du sud qui ne comprend rien au temps qui passe, qui change, au temps qui doit s'arrêter pour lui chanter ses airs nouveaux.
Les étoiles, une fois le soir tombé, se voilent sous les lumières écarlates et aveuglantes, le vent ne sent plus les sous-bois ou le ruisseau qui s'écoule. Elle ne trouve pas ses repères parmi la foule. Les visages lui semblent fermés, incongrus, vides. Alors qu'elle voudrait danser dans la rue, chanter et soupirer au creux d'un village qui sent les saisons.
Appartenir à un endroit où l'on reconnaît les siens, et aimer, aimer, aimer les saisons qui passent.