31.3.08

Bleu ou noir - Tu sais

N’empêche, y’a toujours une raison. J’avais envie de respirer avec toi. Juste pour un moment. Fallait pas me risquer, fallait pas m’y coller, je sais. Les souvenirs affluaient trop, de ton bord comme du mien, alors tu sais, si tu voulais pas me dire, fallait pas commencer. Tu me craches ça en pleine figure, tu croyais tout me dire d’un seul mot, croyais que j’allais tout gober sans dire un mot. Pas à moi, tu le sais bien.

C’est tout toi, ça. Tout nous. De longues saisons de silence sans un soubresaut, des saisons muettes et noires. Depuis quelques jours, tu sens l’automne. Tu la sens vibrer, tu la sens des fonds de ta forêt, tu l’attends, même. Des ondes à odeur de mort qui reviennent vers toi, ici comme là-bas. C’est l’automne, pour toi comme pour moi. Tu revisites le coin, tu t’installes, tu fais comme si je voyais rien. Tu te fais des accroires, mais moi, j’te vois bien. Tu espères pousser ta phrase, comme ça, et repartir sans rien me dire.

Faut me faire une idée, si tu te fais pas à l’idée. Tu sais.

Tu joues avec moi, tu jongles avec les mots. Mais tes mots retombent à plat sur mon cœur. Tu me brouilles, depuis le temps. Mais tu le sais bien trop. C’est facile, avec moi.

N’empêche. Des images de nous, y’en a partout. J’ai beau fermer les yeux, t’es ma plaie, mon bleu. C’est comme une rechute. Trop comme une rechute. Tu vas vouloir me serrer fort, tu vas vouloir me tenir bien solidement entre tes mains pour y voir clair. Pour voir ce que ça me fait, voir ce que j’en pense. Mais ce que j’en pense, je peux même pas t'le dire. Parce que c’est toi. Parce que c’est moi. Je baisserai même pas les yeux.

L’affaire, c’est qu’on est jamais en amour en même temps. Que nos envies nous arrivent à des bien drôles de moments, entre deux histoires. Toujours. Alors qu’on peut jamais, qu’on pourra jamais. Y’a que quand je te vois que tu m’appartiens. Ailleurs que dans notre monde à nous, tu t’évapores.


Mais ça, j’te le dirai jamais, tu sais. D’un coup tu disparais?

Le Déclin ou l'Automne tardif

Il est tôt cette nuit, il fait mélancolie et lyrisme - le vent est ocre, il y coule des flots incompréhensibles de douleur. Tout est criant ou criable, je ne fais plus la différence entre tes jours et mes nuits. Ton bonheur et mon mal, ce ne sont que des chimères trop lourdes pour mes épaules. Où en sommes-nous, dis?
La lune n'est pas encore pleine que tu disparais, clope en bouche, le long de la rue piétinée, mouillée. Je ne vois pas la fumée qui s'échappe de tes lèvres, pourtant encore pleines de mes baisers furieux. Tu ne peux pas te retourner sur moi. Mon cri, le mien, ne s'échappera jamais plus. Et toi non plus.
La nuit se fait câline entre tes draps, mais c'est le froid cruel qui me bordera au retour. Tu y vois vert et clair, mon regard se brouille soudainement et mon coeur flanche dans la fluidité du moment - fluide malgré nos interdits avoués, le baume n'en sera que plus amer au réveil.
C'était à l'aube, souvent à l'aube orange de tes rideaux que l'amour nous soudait l'un à l'autre, alors que le sommeil était encore engourdissement, alors que le réveil était baisers et langues et mains et peaux. La chaleur pendant l'amour, la brise d'été et les murs tièdes, les draps envolés et le silence étouffé.
Ton sourire après l'amour. Ce sourire qui nous avouait amants, amis et amoureux. Surtout amoureux.
Ton sourire maintenant suave de libération. De moi.
J'ai toujours aimé l'attente de toi, dans nos lieux communs, même inconnus - je sais attendre, t'attendre, tu sais, jusqu'à en entendre mon cri résonner au loin.
Celui-là même que tu provoquais si joliement, mon amour, à l'aube orangée de notre automne.

30.3.08

Ab imo pectore

Il était une fois un instant. Il fut un moment, je suis une seconde. Nous ne sommes plus. J’ai cessé de compter les minutes, car son temps est écoulé. Son heure est passée. Attendre toute une vie et voir ainsi s’écouler les grains de sable devant ses yeux. Ne pas pouvoir changer le cours du temps… Le vent disperse la poussière de son regard, la brise exhale son âme vers le ciel topaze d’automne. Il ne sera jamais plus. Nous ne sommes plus qu’un moment futile dans le cours du temps qui passe et qui passe. Nous ne sommes plus.

Je ne crois plus en l’amour. Mon cœur se lasse de tout sentiment, je ne veux plus aimer. Je ne protège plus mes arrières, je fonce tête devant. Sans but. Je n’aime plus. La vie me grise par ce qu’elle peut, elle m’aveugle doucement. Mes nuits sont noires et je les berce à la lumière argentée de la lune. Je ne crois plus en l’amour. Pourtant, ce matin-là, mon cœur était blasé, mon cœur était fermé. Je ne faisais que marcher droit devant, là où la voie m’amenait. N’importe où.

Il marchait devant moi. Ses épaules bougeaient au rythme de ses pas. La neige virevoltait autour de sa tête. Il avançait sans moi. Je regardais sa nuque, j’observais sa démarche assurée, son allure rassurante. Face à moi, il s’est retourné. Mon cœur a fait un battement de trop et j’ai alors plongé dans ses yeux. Il me regardait. Levant les yeux vers les siens, mon cœur a dérapé.
Il n’a pas prononcé une parole, pas un mot. Ses yeux me fouillaient. Je n’ai pas baissé le regard. Le temps s’écoulait, sans hâte, lentement. Puis, il a murmuré. « Aime-moi… »

Je ne voulais pas l’admettre. Je ne voulais pas entendre ses douces paroles, je ne voulais rien de lui. Mais mon cœur battait à tout rompre. Je me mordillais la lèvre, ses yeux suivaient l’arrondi de ma bouche. Le temps me tuait. Lentement, tout doucement. Vas-y doucement avec mon cœur. Je ne veux pas t’aimer, je ne veux pas te regarder. Je ne veux pas vivre sous tes mains, je ne veux pas mourir sous tes caresses. Ce matin-là, je ne faisais que marcher dans la rue vers nulle part, vers mon inconnu. Cette minute-là, je ne faisais que passer, que m’écouler parmi tant de gens. Et il me regarda.
J’ai alors poursuivi mon chemin. Sans me retourner, sans un second regard. Il était une heure. Une heure dans mon cœur, une heure au hasard. Je marchais vers l’horizon. Je sentais son regard dans mon dos, tout le long de mon dos. Il caressait mes cheveux en cascade, il caressait la courbe de mes hanches. Doucement. Je ne voulais pas le regarder. Son regard me tuait. Il était une heure. Les questions affluaient. Les doutes abondaient. Ne me regarde pas. Ne m’accroche pas à ton regard. Je marchais lentement ce matin-là. Le temps importait peu. Je ne voulais pas de son regard.

Regarde-moi. Prends-moi par ton regard, emmène-moi loin de tes secondes affolantes. Doucement. Je marchais vers lui ce matin-là. Son regard vert, mon regard bleu. Mélange orgasmique. Lueur d’espoir. L’heure était turquoise ce matin-là. Coup d’œil, coup de foudre. Mon amour. Regarde-moi. Toujours. Fais-moi naître, fais-moi m’ouvrir au temps. Aime-moi de ton regard, mais ne dis rien. Ne pense rien. Je me suis arrêtée devant lui, devant ses yeux verts. Il m’a prise sous sa prunelle. Tendrement. Ses lèvres ont trouvé les miennes, un grain de sable est tombé.

Nous nous sommes aimés ainsi. Nous nous aimons comme cela. Le vert de mes jours, le bleu de ses nuits. Le temps passe lentement. Tout doucement. Nous ne tentons pas de retenir les secondes, les heures sont éphémères. Notre amour est infini.

Ne me dis pas toujours si tu crois qu’un jour tu vas cesser de me regarder. Ne me murmure pas amour si tu crois détourner le regard. Regarde-moi. Éveille-moi, accroche-moi. Regarde-moi… Avant toi, l’amour ne respirait pas. Garde-nous en vie… Ce matin-là, le soleil embrasait ses yeux de jade. Son étreinte était chaude et douce, mon cœur battait au rythme du sien. N’oublie jamais que je t’aime. Si un jour mon regard s’éteint, ferme les yeux. Je serai là. Ne me quitte pas, ne t’en va pas…

Il est parti ainsi, comme un baiser volé. Il m’a été arraché. Son temps est écoulé. Une ombre est passée sur son regard. Le ciel s’obscurcit, ma vie est teintée de couleurs épuisées. Le vert a disparu de mes images, de mes songes. J’ouvre un œil, je le referme aussitôt. Il n’est plus sous l’édredon. Le temps m’en veut, le temps m’émeut. Je l’ai regardé un moment, tout est passé si vite. Il n’est plus… Je marchais ce matin-là sans espoir, sans attente d’un amour. Le temps en a décidé autrement. Il était six heures. Je regarde les douces larmes blanches du ciel, je regarde les rayons du soleil. Mon regard s’éteint. Sans le vert de ses yeux, sans le doux réconfort de son sourire, sans le contact chaud de ses mains, je ne trouve plus le bonheur. Pourquoi tout dire et ainsi partir?
Je ne voulais pas de toi, je ne voulais pas de ta prose. L’amour attendra, je ne veux pas de toi. Mes pas sous les rayons du soleil, les reflets décolorés de ma vie. Je t’attendrai toujours. Tu seras toujours là. Je ferme les yeux et je te vois. Je ferme les yeux et ton regard me voit. Immortalité de notre moment, de notre temps. Les grains de sable s’écoulent et s'envolent. Mon sablier est fissuré. Je l’empoigne et le projette contre le mur ambré de toutes mes forces. Le sablier n’est plus. Comment figer cet instant, je veux oublier le temps. Reviens-moi… Pour un instant, reviens-moi et regarde-moi encore une fois. Une seconde. Je te vois. Une heure. Tu n’es plus là… Regarde-moi, accroche-toi à mon regard. Le bleu de mes yeux. Le vert de ma destinée.

« Qu’est-ce que je ferais sans toi? »
« La même chose que moi sans toi : je continuerais à te chercher… »

28.3.08

La tête dans les nuages

J'ai froid en dedans.

C'est pas drôle, surtout que dehors on gèle. Les fenêtres sont givrées, le vent est gris et il déparle de ses saisons, y'a aussi la marmotte qui, en sortant de son trou, s'est retrouvée sous le pneu de la voiture beige du voisin. Qu'on laisse une chance au printemps, le voilà qui se fait assassiner. Froidement.

J'ai rudement froid en dedans.

État d'âme - Après lecture


Narcisse
Le Caravage
(v.1595)


27.3.08

Les Poissons

Y'a dans l'air un émoi paradoxal.
Je ne sais plus si c'est le printemps, ou alors si mon horoscope se tourne contre moi.

26.3.08

Les yeux d'un autre

Je me souviens d'un mots croisés sous les nuages gris, au chalet. Tu m'avais alors dit que mes yeux étaient de la même teinte - je les savais fiévreux de désir, gris opaque et non bleu clair. Je tentais de me concentrer sur la grille noire et blanche, blanche et noire, je regardais les lettres se poser dans les cases; le soleil se dénudait paresseusement dans le ciel.
Tu as eu envie d'une promenade sur le lac. Moi aussi.
Tous les mots se sont envolés. J'avais le visage tournée vers le soleil, c'était bon de voir le tien dans le rétroviseur, serein, amusé. L'eau était chaude, le vent froid. Je me suis assoupie au mouvement des vagues, insouciante de ton regard vert maintenant posé sur moi.
Tes yeux à ce moment-là, tes yeux quand tu as su.
Jamais autre aveu que tes yeux dans la nuit noire.
Je l'entendais parler, lui, mais pourtant, je ne voyais que tes yeux, jusqu'à ne plus entendre du tout.
Jamais autre mort que tes yeux ce soir-là.

Derrière une blonde, devant une rousse

Déjà trois gorgées et, jusqu'à plus soif, c'est le tourbillon qui débute lentement, il va m'aspirer jusqu'à plus soif. Une légère ondulation de la tête, les jambes molles, le coeur en course vers quoi, alors?

Café noir

"Si tu veux de nous, je t'emmènerai voir les loups." (P. Lapointe)

25.3.08

Genèse - Épisode II

Ça me manque, tout ça.

Écrire presque sous l'anonymat - l'anonymat que je voudrai bien garder, écrire entre deux soupirs, entre deux sourires, écrire un peu sous l'impulsion ravageuse, ou alors posément, écrire les saisons et les nuits, les couleurs de mes pensées, la texture de mes paroles.

Écrire pour moi, mais aussi pour les yeux des autres. Un peu.
Narcissiquement, égoïstement, hypocritement, sincèrement; écrire pour écrire.


"Écrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit."
(M. Duras)