17.4.08

Amalgame - Souvenirs teintés

Tu m'appelles en pleine nuit - je ne rêvais pas à toi. C'est le son strident qui a fait que je me suis levée d'un saut nerveux; est-ce que ça recommençait?

Je m'en souviens très bien. Livre à la main, main contre la poitrine, sous les couvertures.
Tu as appelé. Puis il a appelé. Deux lignes, deux cognements dans ma poitrine.
Vous avez cogné à la porte. J'étais en sous-vêtements jaunes, camisole blanche, je m'en souviens très bien. Mon couvre-lit était jaune, aussi. Toute ma chambre l'était, à ce moment-là, dans ma tête et devant mes yeux. Je me souviens aussi que mes cheveux étaient encore humides, que mon oreiller était mouillé, que mon cellulaire était tombé sur le sol.
Tu chuchotais presque, j'avais envie de crier.

Ou alors c'était en pleine nuit. Dans l'Ouest. Je me souviens d'une lueur bleue dans une chambre étroite, un futon étroit, mes yeux sur toi et les tiens fermés. La première fois que tu fermais les yeux sur moi. Tu étais resté debout, alors que je levais la tête vers toi, je t'ai pris en retenant mes sanglots. Pour une première fois. Je me souviens de l'expression exacte sur ton visage. Et le goût, parfaitement. Je me souviens de tout.

Il y a aussi le marché au soleil, les pas et les doigts entremêlés, les fruits de mer sur nos langues. Je me souviens de tout.
Et les messages qui duraient toute une journée, alors que je fuyais, les stores et les portes fermées, alors que je fuyais l'extérieur, les messages toute la journée et les soupirs sur le tapis. Et les chandelles.
Je me souviens de tout.

Tu sais, je me souviens de tout.
Mais toi, je ne me souviens plus de toi. Je ne connais plus ce qui est en toi, je ne reconnais plus ce qui était toi, ce qui était un peu à moi, je me souviens de moi et pas de toi.

J'aimerais tellement que tu te souviennes de toi.
Je me souviens de tout.

5 commentaires:

White a dit...

J'adore ce texte, sa vérité et sa complexité. Une émotion bien cernée.

dean a dit...

Joli texte. Intense.

J'ai ce même souhait pour bien des gens, qu'ils se souviennent d'eux.

beck a dit...

@ dean & appartement 2 : merci encore une fois de votre lecture, merci pour vos beaux commentaires. C'est révélateur et thérapeutique, souvent, d'écrire tout ça, mais de lire vos mots aussi. Merci.

Isabelle a dit...

J'aime vraiment ta façon d'écrire, de jouer avec les mots. À te lire, on s'y croirait presque...

Très beau texte, encore une fois!

beck a dit...

@ isabelle : merci, encore une fois...